Comment contrôler le bavardage dans votre cerveau ?

Presse Léviathan :

Quelle est la voix dans votre tête lorsque vous lisez ceci ? De quelle langue s'agit-il (mandarin ?), quel est son accent (émotionnel ou sans émotion ?), quel est son timbre ? En fait, c’est assez étrange si vous y réfléchissez bien. Lorsque nous voyons un texte, la première chose que nous faisons n’est pas de comprendre son sens directement à travers le texte, mais de le lire d’abord dans notre esprit. La fonction du texte lui-même est de transmettre des informations, mais nous ne semblons pouvoir comprendre le contenu du texte qu’en l’entendant.

Dans cet article, nous traduisons temporairement « Mind Chatter » dans le texte original par « le bavardage dans l'esprit », mais cela ne correspond pas complètement au sens du texte original, mais nous n'avons pas encore trouvé de traduction plus appropriée.

Nous avons tous vécu cette expérience : une conversation de deux minutes il y a trois jours prend le dessus sur votre esprit et vous fait réfléchir. Nous rejouons cette scène dans nos têtes encore et encore. (Par exemple : je ne devrais pas me mettre en colère contre mon père. Il a toujours été si patient quand j’étais enfant.) Nous sommes tellement coincés dans ces émotions que la voix dans notre tête passe du statut d’allié à celui de démon lancinant qui nous fait tourner en rond à propos des mêmes choses.

Ethan Kross, psychologue expérimental et neuroscientifique à l’Université du Michigan, veut nous apprendre à prendre le contrôle des voix dans notre tête. Juste pour vous rappeler que ces voix ne sont pas des maladies mentales ; ce sont les petites voix que nous avons tous et qui racontent (ou harcèlent) nos vies au cours de notre vie quotidienne.

Cross dit que si nous pouvions contrôler les voix dans notre tête, ce serait l’un de nos plus grands avantages. Ces sons peuvent nous conduire vers un autre monde, imaginer un autre passé ou un futur merveilleux, mais ils peuvent aussi nous piéger.

Dans son nouveau livre, Chatter: The Voice in Our Head, Why It Matters, and How to Harness It, Cross offre aux lecteurs quelques conseils pour contrôler le bavardage. Une technique importante est le « dialogue intérieur à distance », qui consiste à utiliser le langage pour construire une distance psychologique avec soi-même. La meilleure façon de résoudre une impasse est d’en sortir et de l’examiner, et la façon d’en sortir est de traiter la voix dans votre tête comme celle de quelqu’un d’autre. (Tu ne peux jamais être sûre de ce que pense ton père, Liz, il sera peut-être content que tu lui aies répondu.)

Cross et moi avons discuté sur Zoom de la manière de définir le harcèlement, de ce qui se passe dans nos têtes lorsqu'il nous mord et, bien sûr, de la manière de prendre le contrôle de cette voix incessante et implacable.

Critique de Meredith Heuer : Ethan Cross, auteur de « The Nagging Mind », a déclaré qu'il voulait « révéler tout ce que nous savons sur le harcèlement, pourquoi cela se produit et ce qu'il faut faire à ce sujet », et qu'il « a toujours été intéressé par la manière de présenter nos découvertes au public, plutôt que de les maintenir simplement au niveau de la discussion scientifique ».

© Journey Beyond Divorce - Qu'est-ce que le harcèlement ?

Lorsque nous rencontrons des problèmes, nous tournons souvent notre attention vers l’intérieur pour régler les choses, mais nous nous retrouvons souvent coincés là. Nous réfléchissons trop, nous nous inquiétons et faisons une montagne d’une taupinière. Les personnes dans cette situation ont généralement des pensées négatives dans un cycle sans fin, ce qu’on appelle le harcèlement. Il peut s’agir d’une obsession du passé, qui est un souvenir constant, ou d’une obsession du futur, qui est de l’anxiété.

——Comment distinguer le flux normal de la conscience de l’état mental d’être sur le point de sombrer dans le marmonnement ?

En règle générale, si vous vous surprenez à répéter la même chose encore et encore au lieu de trouver une solution plus claire et plus objective, vous commencez peut-être à ruminer. Et vous constaterez que ces pensées négatives commencent à vous empêcher d’accomplir d’autres choses. Je pense que la plupart des gens en sont conscients lorsqu’ils en font l’expérience.

Cela peut nous empêcher de penser et d’agir en douceur. L’une des principales raisons est que votre capacité d’attention est limitée à un moment donné, donc une fois que vous consacrez votre énergie à marmonner, cela dépend de la chance si vous pouvez faire avancer les choses.

Le harcèlement peut également avoir un impact négatif sur les interactions sociales. Cela entraîne souvent davantage de tensions dans les relations, et ce, de multiples façons. Par exemple, si nous nous plaignons de nos problèmes aux autres et continuons à exprimer nos griefs, cela peut aliéner les autres ; ou si nous ressentons de mauvaises émotions négatives, nous frappons souvent les autres et déversons nos émotions sur eux.

Les harcèlements nous poussent dans un bourbier de tension et tentent de nous piéger. Être nerveux en soi n’est ni bon ni mauvais, mais être nerveux trop longtemps n’est pas bon, et c’est précisément ce que signifie harceler.

——Comment arrêter de marmonner ?

Différents scénarios et individus nécessiteront des techniques différentes. La méthode la plus efficace consiste à utiliser une combinaison de techniques. Quand je suis pris dans mes pensées, il y a quelques choses que je fais. Je m’engagerais dans un dialogue intérieur à distance, je m’isolerais temporairement et certains conseillers m’aideraient à proposer différentes perspectives sur le problème. Ces personnes ne sont pas mes proches parents, mais elles sont très douées pour m’aider quand j’ai mal. En même temps, je me promène également dans la nature et je nettoie l’espace de bureau qui m’entoure.

—Dans The Nagging, vous racontez comment vous vous êtes empêché d’avoir une crise de harcèlement particulièrement terrible en criant votre propre nom. Je trouve intéressant que le fait de prononcer son propre nom dans sa tête ait un effet remarquable.

Nous savons qu’il est facile de donner des conseils aux autres, mais difficile de les accepter nous-mêmes. Nous comprenons également que la langue est un outil auxiliaire pour résoudre nos propres problèmes. Par exemple, nous pouvons nous parler à nous-mêmes comme si nous étions quelqu’un d’autre. Ce type d'auto-dialogue à distance nécessite l'utilisation de son propre nom ou de pronoms autres que ceux à la première personne, tels que « vous », « il », « elle », etc. De nombreuses personnes tombent sur cette méthode sans vraiment savoir pourquoi elle fonctionne. Des preuves expérimentales suggèrent que cela peut vous donner un certain espace mental et une certaine distance par rapport au problème auquel vous êtes confronté, ce qui peut vous aider à trouver des suggestions plus utiles pour résoudre le problème.

——Pourquoi pensez-vous que le langage fonctionne ?

L’astuce est que s’appeler soi-même par son nom est presque un changement de perspective automatique parce que vous êtes tellement habitué à appeler les autres par leur nom.

——Cela fera-t-il une différence si vous vous appelez par des noms différents ? Par exemple, prénom, nom, surnom ?

Nous n’avons pas exploré systématiquement les différences entre, par exemple, « C’est bon, Ethan, tu peux le faire » et « C’est bon, E-man » et d’autres déclarations. Nous pensons que la raison pour laquelle les noms et les pronoms autres que ceux à la première personne fonctionnent est que les gens les utilisent presque exclusivement lorsqu'ils pensent ou font référence à d'autres personnes. Nous avons appris que laisser les enfants imaginer qu’ils sont des super-héros peut avoir de bons effets. C'est ce qu'on appelle l'effet Batman. Si votre enfant est confronté à un problème plus difficile, vous pourriez lui dire : « Matt, que ferait Batman dans cette situation ? Imagine que tu es Batman et guide-toi pour résoudre le problème. »

Lorsque vous vous sentez rejeté et dépassé, nous trouvons utile de décrire votre expérience personnelle d’un point de vue de groupe plutôt qu’à la première personne. C’est une stratégie linguistique qui aide les gens à donner du sens aux expériences négatives. Cela vous enlève cette expérience en tant qu'individu, car ce n'est pas seulement vous qui l'avez vécue, elle a été vécue par de nombreuses personnes à travers le monde (et quiconque l'a vécue réagira de cette manière). Cela vous donnera un sentiment de distance et aidera à normaliser votre expérience.

—Dans le livre, vous parlez de la façon dont la nature, même virtuelle, peut avoir un impact positif sur les voix dans nos têtes.

Oui. Pourquoi la nature fonctionne ? Parce que cela libère notre attention des distractions. Et cela se fait de manière subtile : en déplaçant notre attention vers des choses qui nous intéressent sans dépenser beaucoup d’énergie. La nature virtuelle a également eu un effet positif, mais celui-ci semble être lié à une relation dose-effet. Ainsi, plus les émotions sont fortes et plus l’immersion dans les expériences liées à la nature est grande, meilleur est l’effet. Un autre mécanisme qui pourrait expliquer les effets de la nature est l’augmentation de l’émerveillement. C'est le sentiment que vous ressentez lorsque vous êtes confronté à quelque chose de trop vaste ou de trop gros pour être expliqué. Cela peut vous donner un sens de la perspective et rendre les choses qui vous dérangent plus insignifiantes.

——Pourquoi ai-je ces pensées aléatoires dans ma tête ?

Lorsque nous ressentons des émotions négatives et essayons d’analyser ce que nous ressentons, nous nous concentrons souvent sur l’expérience et ignorons d’autres choses qui pourraient nous faire nous sentir mieux. Cela nous amène à nous engager constamment dans une « introspection » et une « révision », et à persister à penser et à ressentir les problèmes d’un point de vue négatif. Cette expérience psychologique correspond à des niveaux accrus de traitement autoréférentiel et de traitement émotionnel dans le cerveau. Quant à la raison pour laquelle le harcèlement se produit, il s’agit d’un mécanisme de réponse adaptative – résolution de problèmes par l’introspection – qui déraille dans certaines situations.

Que ressentez-vous lorsque votre cerveau marmonne ?

Lorsque nous nous comparons aux autres, l’activité dans une certaine zone du cerveau augmente. Ainsi, ce système de traitement autoréférentiel est plus actif chez les personnes qui souffrent de harcèlement et encore plus chez les personnes qui souffrent d’anxiété clinique et de dépression.

——Qu’est-ce qu’un système de traitement autoréférentiel ?

Il s’agit d’un groupe de régions proches de la ligne médiane du cortex qui comprend les gyri cingulaires antérieurs et postérieurs dorsaux. Lorsque vous faites passer un scanner cérébral à quelqu’un et que vous lui demandez de penser à ce qu’il veut, cette zone s’illumine. Ils pensent naturellement à des expériences qui les concernent. Ce domaine est donc lié à la réflexion sur soi-même. Lorsque les pensées bourdonnent dans votre tête, cet endroit est plus actif que d’habitude.

Le gyrus cingulaire de l'hémisphère gauche du cerveau vu depuis le plan médio-sagittal. © wikipedia——

Quelles expériences avez-vous menées pour étayer votre point de vue ?

Nous avons étudié l’état des zones autoréférentielles et de traitement des émotions du cerveau lors d’un dialogue intérieur à distance. Il est intéressant de noter que, lors de l’imagerie cérébrale, les niveaux d’activité dans les deux régions étaient plus faibles et qu’il n’y avait pas de charge supplémentaire sur les zones de contrôle cognitif, qui sont souvent activées lorsque nous essayons de nous contrôler. Cela signifie que nous avons du mal à contrôler nos émotions. Cependant, la conversion linguistique semble être plus facile à réaliser et la perspective peut être facilement modifiée. Nous pensons que c’est en partie parce que les noms nous rappellent beaucoup d’autres personnes.

——La « pleine conscience » est très populaire de nos jours. Qu'en penses-tu?

Je pense que la pleine conscience est une excellente chose, et il existe de nombreuses données pour le prouver. Mon seul bémol concernant la pleine conscience est qu’elle n’est qu’un outil parmi tant d’autres. La difficulté est de comprendre comment les différentes approches se complètent. Parfois, le sous-texte de la « pleine conscience » est exagéré et signifie « vous devriez toujours être dans le moment présent ». Mais l’esprit humain n’a pas évolué pour vivre toujours dans le moment présent ; nous pensons au passé et au futur, et bénéficions grandement de ce genre de voyage dans le temps. Je pense donc que le défi est de savoir comment aider les gens à réfléchir plus efficacement au futur et au passé, plutôt que d’essayer de vous persuader d’éteindre complètement votre machine à remonter le temps mentale lorsque vous êtes frustré.

Pouvons-nous tirer profit du marmonnement ?

La voix dans notre tête est souvent alarmante, mais c’est un super pouvoir qui peut nous aider à faire beaucoup de choses différentes. Quant aux harcèlements, je les considère comme une voix dans la tête qui n’est pas productive. Je pense donc qu’une fois que vous vous trouvez dans l’impasse du harcèlement, la question n’est pas de savoir si c’est bénéfique ou non, mais si c’est nuisible ou non. Mais cela ne signifie pas que nous devrions faire taire cette voix ou cesser de nous parler à nous-mêmes. Ce n'est pas bon. La clé est de comprendre comment se parler à soi-même et comment utiliser le bon langage pour résoudre les problèmes sans se laisser enliser dans des pensées lancinantes.

Par Liz Greene

Traduit par Yord

Relecture/Amanda

Article original/nautil.us/issue/98/mind/how-to-quiet-your-mind-chatter

Cet article est basé sur l'accord Creative Commons (BY-NC) et est publié par Yord sur Leviathan

L'article ne reflète que les opinions de l'auteur et ne représente pas nécessairement la position de Leviathan